… alors arrêtons de le nier!
En effet: On entend tellement parler de la fameuse « théorie du genre »sans qu’elle ne soit jamais définie qu’elle finit par gagner son existence propre!
Imaginez la scène: 3 fois en 1 semaine un collègue m’interroge:
Toi qui a des enfants scolarisés, que penses-tu de la théorie du genre?
J’ai des amis qui m’ont transférés des mails qui font peur!!
Je suis plutôt méfiant en général mais là ça a l’air d’aller loin quand même! Ils leur montreraient (aux enfants) même du porno!
La première fois, ma réaction a été simple:
La théorie du genre? Il n’y a pas de théorie du genre, juste des extrémistes qui veulent te faire peur. Certaines personnes n’aiment pas que l’on dise qu’il y a une part de construction sociale dans l’identité des individus.
Pourtant nous savons tous plus ou moins que nous sommes homme ou femme à la fois de part notre biologie (tu es au courant ;)) mais aussi par ce que la société attend plutôt des femmes et des hommes.
Et de conclure la version que l’on entend partout:
Il y a des études sur le genre mais pas de théorie du genre.
Sauf que plusieurs jours après le sujet revient – toujours au travail.
Et nous entendons et voyons passer de plus en plus de choses. Nous entendons des appels au Boycott de l’école!
Pourquoi? Parce que certaines écoles vont commencer à utiliser ceci: L’ABCD-de-l-egalité
Je n’ai pas encore compris le lien entre promouvoir l’égalité entre les individus et la destruction de l’identité sexuelle des jeunes mais je vais approfondi mes recherches. Il parait que ça serait plein de « Théorie du genre ».
Bref, et si on en parlait une bonne fois, puis que l’on passait à autre chose, vu qu’on a tous autre chose à faire? (même si c’est pas gagné)
L’étude de la construction de l’identité en général
Des chercheurs, des sociologues, des psychologues mais aussi des biologistes et même le commun des mortels (dont je fais partie) cherchent à comprendre comment nous construisons notre place dans la société, notre identité. Sans forcément parler d’identité sexuelle ici.
Juste:
- Quelle place ici et maintenant? (pour les hommes, les femmes – et il n’y a pas si longtemps aux USA par exemple: pour un homme noir, un homme blanc, …)
- Quelle est la norme? Quel comportement attend-on? Valorise-t-on chez la petite fille? Chez le petit garçon?
- Mais aussi quelles différences biologiques sont constatées (l’effet des hormones, etc).
Bien que nous n’ayons pas de réponse scientifique définitive, la construction de l’identité ressemble bien à un étonnant mélange:
- à la fois d’inné (biologique, génétique),
- d’acquis (par l’éducation, la norme sociale…)
- et peut-être un jour découvrirons nous encore autre chose (pourquoi cet enfant est né plutôt introverti et cet autre enfant complètement extraverti?).
Le cas de la construction de l’identité sexuelle en elle-même
Soyons clair: personnellement je me fiche des préférences sexuelles des uns et des autres, de même que la manifestations de la sexualité des uns et des autres. Tant que cela se passe entre adulte consentant, chacun fait bien ce qui lui plait.
Mais ce qui fait peur à certain, c’est le pas de géant qu’il y a eu en psychologie, et notamment le fait que l’on dise d’une femme ou d’un homme qu’elle construit son identité sexuelle de femme ou d’homme en s’appropriant des modèles féminins ou masculins qui lui donneront envie de devenir femme ou homme.
Dans le prolongement de ces études, la « Queer Theory » est celle qui dérange le plus car dans cette l’alchimie compliquée entre notre part d' »inné » biologique/naturel (lié à notre sexe physique) et notre part d’acquis sociaux (comportement attendu pour les hommes et les femmes, construction depuis notre naissance): pour cette théorie ce serait la part construction (et donc d’acquis) qui expliquerait principalement l’identité sexuelle et le genre social (le fait que l’on se sente homme ou femme dans la société).
Il faudrait certainement en dire bien davantage sur cette Théorie, et vous pouvez consulter la page wikipedia notamment, cela m’évitera de dire trop de bêtises.
Voici donc ce qui effraie certaines personnes: que l’on apprenne à leur enfant que son identité sexuelle est une construction sociale (et non un fait « naturel »). Pourtant, l’identité est certainement en partie une construction sociale.
Pourquoi c’est important de réfléchir à la place des individus dans la société?
Pourquoi les petites filles sont-elle excellentes à l’école, mais qu’elle ne finissent pas toutes chef? Pourquoi une fille qui bouge beaucoup est considérée comme « agitée » mais un garçon « plein de vie »? Un garçon un peu trop renfermé inquiète plus rapidement qu’une fille qui est juste « sage ».
Ici, le sujet n’est pas la sexualité (qui est de la sphère privée) mais la place des uns et des autres dans la société. Même si nous avons des comportements différents vis à vis des garçons et des filles, y réfléchir permet de se remettre en cause, de penser la société que l’on veut pour ses enfants. Préfère-t-on une société où chaque individu nait à une place et y reste toute sa vie? Ou bien préfère-t-on que nous enfants se posent des questions, remettent en causent les clichés et les conservatismes?
Cette question n’est pas anodine. Il y aura toujours du conservatisme, la peur que les uns et les autres quittent leur place: viennent bousculer les habitudes, le confort. Y penser déjà, c’est philosopher, c’est être Descartes: Je pense donc je suis!
La théorie du genre ne doit pas juste être niée.
Elle existe aujourd’hui sur le réseau, comme concept « à combattre » par quelques personnes. Ces dernières lui ont donné une existence par la propagande.Nous pouvons discuter, expliquer. Si nous l’ignorons, et classons juste le sujet comme inexistant, on tombe alors dans la théorie du complot.
Après tout, les parents ont le droit d’être inquiet, tout le monde nous attend tout le temps au tournant, plein de jugement et de ce qu’il faut faire ou ne pas faire.
Alors? Faut-il avoir peur des programmes qui disent aux enfants qu’il y a une part de construction sociale de l’identité? Et que l’identité sexuelle est de la sphère privée (cf <programmes de l’éduction nationale)
Nous pouvons facilement y répondre par le bon sens: la construction de l’identité sociale est un mélange:
- Entre la biologique.
- Entre les attente de la société (au sens groupe social)
- Jusqu’à il y a peu de temps il y avait un grand cloisonnement entre les rôles féminins et masculins (papa va au travail/à la guerre // maman reste à la maison et s’occupe des enfants et de la maison).
- Un certain nombre de bouleversement (guerre et rôles « inversés (les femmes au travail), contraception, évolution des mœurs…) a remis en cause fortement ce cloisonnement des rôles; et notre société se cherche, ainsi que ces individus: pères qui aimeraient s’occuper plus de leur famille (mais passeraient ainsi pour un mauvais travailleur), femme qui n’a pas envie d’avoir d’enfant (et suscite l’incompréhension)… (mais finalement qui cela dérange?)
Cette instabilité rend encore plus attrayante la recherche de réponses toutes faites et de leaders d’opinions qui vous dirons quoi penser. Donc, difficile dans ce contexte de rester position: éviter les jugements, rester à l’écoute et continuer d’élever nos enfants, dans l’envie d’en faire des individus éclairés et heureux dans leurs baskets.
Pourtant le débat, la réflexion fait avancer, notamment les sujets autour de l’égalité.
Et si l’école dit que la sexualité est de l’ordre de la sphère privée, je trouve ça plutot pas mal personnellement. A moins que l’usage du mot « sexualité » à des ados de 15/16 ans ne soit le sujet?
Bon, tant qu’à faire, autant les laisser à l’école, au pire, cela apporte un peu de discussion dans les familles, ça ne peut pas faire de mal.
Quelques pistes / Liens /sources
Identité – Définition sociologique : http://sociologie.revues.org/1593
Site Web d’un Centre d’Action Laïque à Liege (Belgique) La construction de l’identité sexuée: La construction de l’identité sexuée entre influences naturelles et culturelles
Education Nationale – L’ABCD de l’égalité (Des ressources pour l’égalité entre les filles et les garçons) http://www.cndp.fr/ABCD-de-l-egalite/accueil.html
Les programmes de SVT actuellement en vigueur (sachant qu’ils sont en cours de réécriture et que ça promet du fight vu l’ambiance générale): Exemple en 1ere ES et L –> http://cache.media.education.gouv.fr/file/special_9/21/5/sciences_155215.pdf
Une de mes dernières lectures sur les Vendredis Intellos: Genre, sexe et identité sexuelle, lecture critique d’une plaquette à l’intention des jeunes
Une éternité et demie que je devais venir lire cet article, j’attendais d’avoir deux neurones alignés et fonctionnels… Merci pour cette explication claire, je t’avoue que j’avais suivi le débat de très loin et qu’au-delà de la caricature « on va montrer du porno aux enfants en maternelle » j’avais préféré arrêter de m’y intéresser, sous peine de perdre foi en l’espèce humaine. Donc merci, encore, d’avoir posé des mots sans propagande ni jugement
Je mets autant de temps à répondre. Le sujet déchaine les passions mais finalement, je pense que l’on passe un peu à coté de l’essentiel: de la fumée pour nous occuper en quelque sorte. Mais cela ne répond pas à notre quotidien: que dire aux enfants le jour où ils sortent de la norme sociale?
Petit exemple: le petit garçon veut les bottes roses dans la vitrine –>
Laisser faire et le laisser se rendre compte tout seul (quitte à s’attirer des moqueries)? lui proposer autre chose (détourner l’attention, en espérant qu’il ne soit pas trop frustré)? L’encourager (en mode « on est pas des réacs ») l’ignorer? (et donc potentiellement refuser d’entendre son enfant?). Repousser à plus tard? (Oui, c’est plutot pour les filles, mais quand tu seras plus grand, si tu y tiens vraiment, tu feras ce que tu voudras?)
Bref, on fait quoi?
Est-ce que ça le rend vraiment « moins » garçon? (non, pour le coup a ma connaissance, ça ne change pas son sexe ni sa capacité à devenir père un jour – entre autre!) mais saurons-nous capables de gérer ça au quotidien? (et nous même sommes forcément dans nos schémas également).
Bref! Composer avec ça et quand même dire aux enfants qu’ils doivent pouvoir accéder aux mêmes choses, aux mêmes droits… compliqué, non?